Une contamination percoloscopique par le virus de l’hépatite C
Sou Médical, Groupe MACSF, 10 cours du Triangle de l’Arche, TSA 40100, 92919 La Défense Cedex. Observation
le traitement antiviral avait entraîné une normalisation des ami-notransférases et la disparition de l’ARN-VHC dans le sérum. Mais, ce traitement avait été mal supporté : outre, une alopécie,
En juin 1996, Mme X., 51 ans, employée manutentionnaire
Mme X. se plaignait d’être très dépressive. Deux arguments per-
dans une grande surface alimentaire, consultait son médecin
mettaient de retenir une relation de causalité entre la coloscopie
traitant pour un épisode de « gastro-entérite ». En raison de la
et la maladie hépatique de Mme X. : a– la survenue d’une hépa-
persistance des troubles digestifs malgré un traitement sympto-
tite aiguë cytolytique dans les deux mois suivant la coloscopie
matique, ce dernier conseillait à Mme X. de prendre rendez-vous
avec des résultats d’abord « dissociés » des anticorps anti-VHC
avec le docteur G., gastro-entérologue. Après avoir examiné
puis un ARN-C positif en mai 1997 ; b– l’absence des autres
Mme X., le docteur G. retenait le diagnostic de « colite ». Dans
facteurs habituels de contamination par le VHC. Cette hypothèse
la mesure où la malade était âgée de plus de 50 ans, il lui pro-
était, en outre, renforcée par la notion que la coloscopie de Mme
posait une coloscopie qu’elle acceptait. Le 26 juillet, madame X.
X. avait eu lieu immédiatement après celle d’une malade infectée
était hospitalisée à la clinique de Z. Sa voisine de chambre était
par le VHC et que les génotypes isolés chez les deux malades
une infirmière qui lui révélait être atteinte d’une hépatite chroni-
étaient identiques (de type 3a). Selon l’expert, le mécanisme de
que C. Dans l’après-midi, cette infirmière passait sa coloscopie à
la contamination pouvait être en rapport avec le matériel utilisé
15 h et Mme X. vers 15 h 30. L’examen endoscopique se dérou-
(coloscope, pince à biopsie, anse à polypectomie), les procédu-
lait sans incident. Mais, au réveil, le docteur G. devait rassurer
res anesthésiques ou de décontamination. L’enquête diligentée,
Mme X. qui était inquiète après avoir appris que la malade qui
par la DDASS, dès qu’elle avait été informée de la contamina-
l’avait précédée, était sa voisine de chambre. Ni la coloscopie,
tion de Mme X. avait abouti aux conclusions suivantes : a– les
ni l’examen anatomopathologique de la biopsie pratiquée, ne
procédures de désinfection des endoscopes suivies dans la clini-
révélaient d’anomalie. Peu de temps après avoir repris son tra-vail, au début de mois de septembre, Mme X. se sentait fatiguée,
que de Z. devaient être revues, en particulier les phases de rin-
éprouvait des démangeaisons puis remarquait que ses urines
çage qui ne semblaient pas correctement effectuées; b– le
étaient foncées. Elle était alors vue par son médecin traitant qui
docteur G. employait deux coloscopes en alternance pour son
faisait le diagnostic d’hépatite cytolytique aiguë après avoir pris
programme de coloscopie et l’appareil utilisé pour Mme X.
connaissance des résultats des amino-transférases sériques
n’était pas le même que celui ayant servi pour la malade précé-
(ALAT : 56 N ; ASAT : 50 N). Les marqueurs viraux A et B
dente. Cette affirmation reposait toutefois uniquement sur les
étaient négatifs. La sérologie du VHC était « dissociée » et la
allégations du docteur G. et ne pouvait être confirmée en
virémie C était négative. Dans les jours suivants, apparaissait un
l’absence de traçabilité du matériel utilisé en 1996 à la clinique
ictère qui durait environ une dizaine de jours. En mai 1997,
de Z. ; c– Mme X. avait subi une biopsie colique mais aucune
dans le cadre de la surveillance mise en place, l’ARN du virus de
biopsie, ni polypectomie n’ont été réalisées chez l’infirmière por-
l’hépatite C (VHC) était trouvé dans le sérum de Mme X. Une
teuse du VHC ; d– enfin, d’après le protocole utilisé et les fiches
ponction-biopsie hépatique était alors pratiquée et concluait à
remises par l’anesthésiste, il n’apparaissait pas d’anomalie dans
une hépatite chronique, avec un score Metavir coté A2 F1 et un
la procédure qu’il avait suivie. En conclusion, si, pour l’expert, le
score Knodell coté à 9. De juillet 1997 à janvier 1998, un traite-
mécanisme de la contamination n’apparaissait pas évident, il
ment par Viraferon® était institué entraînant le retour à la nor-
s’associait néanmoins aux conclusions de la DDASS qui avait
male des aminotransférases sériques. En septembre 1998, une
critiqué l’ordre de passage des malades le jour où avait eu lieu
rechute survenait (ALAT : 2,3 N) justifiant une nouvelle cure thé-
la coloscopie de Mme X., en rappelant que les malades porteurs
rapeutique associant interféron et ribavirine. Peu de temps après
d’une infection connue devaient être examinés en fin de pro-
la reprise de ce traitement, une crise convulsive survenait et
gramme. Le docteur G., pour sa défense, précisait que la
entraînait l’arrêt de l’interféron. En janvier 1999, une seconde
malade porteuse du VHC aurait bien dû passer en dernière posi-
crise convulsive justifiait la prescription de Neurontin® et la riba-
tion, mais une erreur de brancardage l’avait amenée avant Mme
virine était poursuivie. En avril 1999, en raison de la persistance
X. En cette période de vacances (juillet 1996), le brancardage
d’une virémie C, l’interféron était repris à demi-dose. Un mois
n’avait pas la même efficacité qu’habituellement dans la clini-
plus tard, le taux sérique d’aminotransférases revenait à la nor-
que. Bien qu’il n’utilisait pas le même coloscope, le docteur G
male et l’ARN-VHC se négativait dans le sérum.
avait tout de même effectué la coloscopie de la malade infectée
En janvier 2000, Mme X. décidait d’assigner le docteur G. et
la clinique de Z. pour obtenir réparation du préjudice qu’elle
En octobre 2003, le tribunal de grande instance qui eut à
avait subi. En effet, outre les arrêts de travail dus à sa maladie,
juger cette affaire, estima que l’hépatite chronique C dont était
elle avait été licenciée sans possibilité de reclassement profes-
atteinte Mme X. répondait à la définition d’une infection nosoco-
sionnel. Actuellement, ses seules ressources étaient constituées
miale. Elle était imputable, selon la loi du 4 mars 2002, à l’éta-
blissement de soins où s’était déroulée la coloscopie, bien que les
En mai 2000, le professeur des universités, chef de service
faits se soient déroulés en 1996 et que les dispositions de la loi
d’hépatogastro-entérologie désigné en tant qu’expert par le
ne s’appliquent qu’à partir du 5 septembre 200I. En effet,
magistrat en charge du dossier, concluait que Mme X. était
d’après l’article L. 1142.1 de la loi : « Hors le cas où la respon-
atteinte d’une hépatite chronique C et qu’à la date de l’expertise,
sabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé,
Une contamination percoloscopique par le virus de l’hépatite C
les professionnels de santé … ainsi que tout établissement, ser-
procédure de désinfection des endoscopes [2] que les pratiques
vice ou organisme où sont réalisés des actes de prévention, de
anesthésiques, des défaillances restent possibles et l’observation
diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences
de la règle précédemment énoncée, reste d’actualité pour en
dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins
Par ailleurs, il faut souligner que cette « déviance » a été
Les établissements, services et organismes sus mentionnés
favorisée par un dysfonctionnement du système de brancardage
sont responsables des dommages résultant d’infections nosoco-
de la clinique ayant abouti à l’inversion de l’ordre d’arrivée des
miales sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère ».
deux malades en salle d’endoscopie. Ce type de dysfonctionne-
Les magistrats condamnèrent la clinique de Z. à verser une
ment est d’autant plus à craindre que le personnel est en nombre
somme de 83 886 euros dont 64 857 à Mme X. et
insuffisant ou inexpérimenté, ce qui est souvent le cas en période
19 029 euros à la CPAM. Un appel a été formulé par la clinique
de vacances. Pour corriger ce « défaut d’organisation » les
médecins en concertation avec les directions des établissementsoù ils exercent, doivent veiller à ce que, dans les périodes « àrisque », le personnel reste en nombre suffisant par rapport à
Discussion
l’activité prévue et que tout nouvel agent reçoive une formationadaptée à sa mission.
Dans le cadre d’une démarche de gestion des risques,
l’observation précédente est un nouvel exemple des conséquen-
RÉFÉRENCES
ces dommageables d’une « déviance », c’est-à-dire du franchis-
1. Sicot C. Décès par pancréatite aiguë au décours d’une cholangiogra-
sement d’une « défense immatérielle » [1] représentée par la
phie rétrograde endoscopique. Gastroentérol Clin Biol 2004;28:860-1.
règle de bonne pratique de toujours mettre en fin de programme
d’une séance d’endoscopie digestive, tout malade dont on sait
Circulaire DHOS/E2/DGS/SD5C no 2003-591 parue au JO du17 décembre 2003 relative aux modalités de traitement manuel pour
qu’il est porteur du VHC. Quel que soit le niveau de sécurité
la désinfection des endoscopes non autoclavables dans les lieux de
atteint par les nouvelles recommandations concernant tant la
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