d es en g ag em en t s d’ h i er au x P r at i q u es act u el l es : P o u r l i b ér er l’a m o u r e t l a s e x ua l i t é … | 2011 | au t eu r e : F r éd o u b r au n1
La dimension sexuel e dans les relations entre individu.e.s a une place et un
rôle particuliers dans la société humaine. El e existe bien sûr depuis l’aube de
l’humanité, mais s’impose à nous – curieusement – depuis le xxe siècle comme
une expérience nouvel e, comme un objet à étudier et à analyser.
Comme l’affirme Maurice Godelier 2, anthropologue français, la sexualité
humaine dissimule toujours en el e d’autres choses qu’el e-même. El e se
construit à partir du contexte culturel et contribue en retour à structurer les rap-
ports sociaux dont el e dépend en les intégrant et en les mettant en scène. On
retrouve des normes et des valeurs en matière sexuel e chez tous les peuples
et à toutes les époques. Les comportements sexuels n’échappent donc pas
aux normes sociales en vigueur 3. Et nos sentiments, émotions, et comporte-
ments ne viennent pas entièrement de nous, on les reçoit comme on reçoit,
avec le langage, toute une structure mentale et psychique.
Cependant, les limites mêmes de l’ordre sexuel sont culturellement et socia-
lement mouvantes. La norme, souvent implicite, évolue dans le temps et dans
l’espace, d’autant plus qu’il reste toujours des brèches au système dans les-
quel es il est possible de s’immiscer pour pouvoir créer quelque chose de
qui y est liée, que l’on doit le divorce entre l’Église et un grand nombre de
nouveau, autre que la norme mise en place. C’est donc progressivement que
chrétien.ne.s, encore at aché.e.s à l’évangile.
de nouvel es valeurs se créent en prenant une forme de liberté plus grande
pour créer de nouveaux types de vie 4. La question de la norme en matière
Le mariage n’est donc plus un passage obligé comme auparavant pour les
sexuel e se pose en ef et tous les jours dans nos discours et nos pratiques,
couples qui réinventent toutes les formes de cohabitation possibles, avec ou
et se retrouve fréquemment à la une de la presse. Il s’agit d’enjeux politiques
sans enfants. Sauf dans le cas des mariages blancs et gris, ou des mariages
majeurs dans nos sociétés contemporaines, alors même qu’il n’y a plus vrai-
arrangés et forcés, auxquels on est encore confronté dans notre pays. Anne
semblablement aujourd’hui d’institution publique légitime à même d’imposer
Quintin et Ada Garcia nous en dépeignent un tableau général pigmenté de
À travers la sexualité et les inégalités
La « libération sexuel e » est le point d’aboutissement d’une histoire des
Les expériences des femmes et des hommes se rapprochent, et l’égalité des
comportements sexuels développée au cours des deux siècles qui nous
femmes et des hommes dans la société augmente certes, mais l’équilibre
précèdent 5. À l’époque, la sexualité est confinée à l’espace privé, limitée et
est loin d’être at eint. Les stéréotypes de genre continuent à être véhiculés à
contrôlée par les carcans stricts issus de l’Église catholique. La cohésion
travers toutes les classes sociales et déprécient les femmes.
de la communauté rurale repose sur le contrôle de la famil e qui el e-même
repose sur le mariage comme un acte de négociation et d’al iances. Dès lors
Dans notre société encore profondément patriarcale, la sexualité féminine
une forte régulation de la sexualité est nécessaire à la survie de la col ectivité.
reste un tabou, même si heureusement on constate quelques évolutions posi-
À la suite des révolutions agricole, industrielle et démographique, l’espace
tives. Selon une enquête sociologique 7 nationale sur la sexualité menée en
familial devient un espace où une intimité se développe, une familiarité s’ins-
France en 2006, plus de 80 % de femmes auraient at eint l’orgasme lors du
tal e. Avec l’amélioration de la situation sociale et économique de la société, le
dernier rapport sexuel, alors qu’el es n’étaient que 43 % à avoir joui en 1970 !
besoin de la col ectivité s’amenuise et les individu.e.s entament la recherche
Les femmes étaient-el es différentes il y a 40 ans ? N’avaient-el es pas les
mêmes organes, la même possibilité de connaître la jouissance ? Ou est-ce
simplement le droit qu’elles se donnent aujourd’hui et qu’elles s’interdisaient
Au tournant des année 60, le besoin de libérer la parole et les comporte-
auparavant ? L’information, la médiatisation ou la transmission inconsciente
ments autour des pratiques sexuelles s’exprime chez les jeunes générations.
chez les jeunes femmes les conduisent à ne plus vouloir être assignées à
Et depuis 50 ans, de nombreux changements sont vécus et plus ou moins
l’état de reproductrices, comme l’étaient peut-être leurs grands-mères, mais
intégrés par les individu.e.s, dont la vie est aujourd’hui marquée par une
pas non plus réduites à l’état d’objet sexuel. El es revendiquent une sexualité
diversité et une fragmentation 6 des trajectoires affectives, conjugales et
épanouissante et s’en donnent le droit.
sexuel es. De nouvel es sources d’information en matière sexuel e occupent
par ail eurs le terrain : les médias, internet, la publicité, la psycho vulgarisée,
Les femmes se donnent également le droit d’avoir un emploi rémunéré
comme leur partenaire et de fonder une famil e si el es le souhaitent. Mais si
les pères actuels s’occupent beaucoup plus de leurs enfants qu’auparavant,
L’apparition de la pilule permet de dissocier la sexualité de la reproduction et
ce sont encore les femmes principalement qui chargent sur leur dos les res-
la dépénalisation de l’avortement permet à des femmes et à des couples de
ponsabilités familiales de l’organisation du quotidien et des soins aux enfants.
faire un choix. En tout temps, l’Église a voulu maîtriser et encadrer les normes
de la sexualité des êtres humains, et comme le décrit José Gérard dans son
Les changements doivent beaucoup aux mobilisations des mouvements fémi-
analyse, c’est justement à la sphère sexuelle, et notamment à la contraception
nistes grâce auxquels des questions jusque là dissimulées sont débat ues sur
la place publique. Ainsi une autre des manifestations, et non des moindres, des
Les femmes ont-el es acquis les droits qu’el es souhaitaient ? Le droit à dispo-
rapports inégalitaires entre les sexes est cel e de la violence entre partenaires
ser de leur propre corps ? Les femmes sont-elles réellement maîtresses de leur
qui fut longtemps banalisée et maintenue dans le secret de la sphère privée. À
corps ? Les nouveaux pouvoirs en jeu et amenés par les biotechnologies de
travers sa réflexion et son militantisme, Emmanuel e Mélan nous en dessine un
la reproduction passent par l’insémination artificielle, la fécondation in vitro, le
panorama, truf é d’obstacles, mais survolé aussi de quelques notes d’espoir …
transfert d’embryon, l’imagerie médicale, les dif érents dépistages permet ant
de prendre de plus en plus de décisions médicales concernant le futur enfant,
ainsi que par les recherches développées en vue d’at eindre l’ectogenèse,
c’est-à-dire l’utérus artificiel. Est-ce une menace pour les droits des femmes,
Née à partir des dysfonctions sexuel es et des pathologies rencontrées chez
ou au contraire, comme le croient certain.e.s, la libération des femmes par la
des personnes ou chez des couples qui cherchaient de l’aide, la sexologie, en
libération de leur corps 8 ? Si toutes les manipulations avec l’embryon humain
tant que discipline scientifique et au carrefour de plusieurs autres disciplines, a
deviennent possibles, y a-t-il un risque d’annuler la dimension relationnel e
comme objectif l’étude des phénomènes sexuels sous leurs dif érents aspects.
de la sexualité ? Quand l’embryon est-il considéré comme un être humain ?
Puisque la sexualité est une activité intime entre individu.e.s, comment alors
Lorsque les (futurs) parents le conçoivent comme tel ? Cet amas de cel ules
un.e sexologue peut étudier son objet sans l’observer, sans le toucher, sans y
ne représente alors « rien » pour cel es qui avortent ?
participer ? Par ailleurs, les actions de la sexologie sont essentiellement théra-
Il est terrifiant de lire dans l’analyse de Myriam Gindt que le sexuel n’a plus de
limites, que la sexualité frôle la mort au sein des pratiques sadomasochistes.
L’analyse de Myriam Gindt montre bien comment la médecine coupe le.s
Certain.e.s individu.e.s ne savent plus comment trouver l’épanouissement et
patient.e.s, considéré.e.s comme malades, en plusieurs morceaux pour trai-
le recherchent à un niveau purement génital. Par conséquent, le sexe doit fonc-
ter leur plainte. Une tendance actuel e, encore trop rare, est cependant de
tionner d’une manière ou d’une autre, et pour les individu.e.s qui se plaignent
considérer la personne dans sa globalité et non plus de traiter uniquement
d’une dysfonction, la médecine toute puissante est censée trouver la solu-
la maladie. Peut-on rêver d’une médecine holistique qui prendrait en compte
tion et l’en guérir, par tous les moyens. L’introduction et le succès du viagra
s’explique donc facilement. L’impuissance, ou dysfonction érectile comme elle
est appelée maintenant, est supprimée par ce médicament miracle qui amène
Comme l’explique Myriam Gindt également, l’évolution sexuelle a remodelé la
une dissociation entre le processus physiologique de l’érection et les autres
formulation de la demande d’aide des individu.e.s et des couples. La réponse
aspects de la relation sexuelle. Les hommes peuvent enfin correspondre aux
thérapeutique des professionnel.le.s dépend de leur écoute, de leur formation et
stéréotypes: le désir masculin il imité et programmable 9 !
de leur expérience, mais aussi de la réponse des patient.e.s, de leur compliance
au traitement et de quelque chose qui échappe au raisonnement. Dans les
Quel sens donner à la famille, au couple et au sexe ?
thérapies individuelles, conjugales ou familiales, les dif érent.e.s acteur/trices
entrent en scène, et la parole échangée traverse leur corps et leur âme.
Si le CEFA s’est bat u pour l’accès à la contraception et pour la dépénalisation
de l’avortement, quel e est alors la place de la parentalité aujourd’hui ? Anne
Le regard du biologiste sur le demi-siècle écoulé que nous of re Paul Thielen
Quintin s’interroge sur le vécu de cel e-ci en regard de tous les nouveaux
nous conduit à réfléchir sur les grandes questions existentiel es et sur les rap-
moyens techniques et médicaux mis à disposition des femmes et des couples.
ports entre le naturel (ou physiologique) et le culturel (ou scientifique). Au départ,
toutes les évolutions médicales se font à titre thérapeutique et à titre exception-
Des expériences individuel es, des nouvel es formes de couples, des famil es
nel avant de devenir des techniques fréquentes et systématiques. Est-ce que
recomposées… voilà les images de notre société actuel e dans laquel e les
notre vie sexuel e dépend des découvertes scientifiques et technologiques ?
individu.e.s deviennent responsables de leur bien-être personnel et sexuel.
Est-ce seulement depuis la pilule que le couple peut s’épanouir sexuellement ?
L’image du couple est incertaine et n’est pas faite pour durer. Seuls le prince
et la princesse, dans les contes de fées, ont ce droit de vivre heureux jusqu’à
la fin de leurs jours. Deux personnes qui ont le souhait de rester ensemble ont
bien des dif icultés à ne pas se laisser piéger par leur inconscient, leurs rêves
2. GODELIEr M, Métamorphoses de la parenté, Paris, Fayard, 20043. BOzON M., Sociologie de la sexualité, Paris, Armand Colin, 2009
Pour correspondre à la norme véhiculée aujourd’hui, les individu.e.s sont
4. Analyse du CEFA, Libération sexuel e, mythe ou réalité ?, Louvain-la-Neuve, 2008
obligé.e.s d’adopter une sexualité active, de jouir et d’être performant.e.s.
5. Analyse du CEFA, Évolution des formes de vie de couple : vie familiale rime avec vie sociale,
Est-ce là le sens profond de la sexualité ? Le sexe ouvre effectivement des
possibles. Et vivre de nouvel es formes de sexualité, s’aventurer dans des
expériences inédites, est-ce alors se diriger vers un autre sacré, un développe-
7. réalisée par Michel BOzON et Nathalie BAJOS
ment spirituel, ou est-ce au contraire une désacralisation de la chose ? Le sexe
8 LECLErQ C., « Genre et biopolitique dans les technologies de la reproduction », in Actes Sophia
« new age » a également fait son apparition. On ne recherche plus seulement
les sensations, mais une sublime communion entre les partenaires à travers
10. ANATrELLA T., Le sexe oublié, Paris, Flammarion, 1993
des techniques empruntées au tantrisme, discipline exigeante qui n’a rien à
voir avec notre culture occidentale. Est-ce une nouvel e mode – symptôme
de la perte de sens dans la relation à l’autre –, ou à l’inverse une solution aux
problèmes ou à la routine sexuel e 10 ?
Les choses ont changé, mais il y aura toujours quelque chose à réinventer.
Remarque : Nous avons tenté au maximum d’insérer la féminisation des
: Emmanuelle Mélan, 348 Louvain-La-Neuve :
Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles
Éditrice responsable 8 Sentier du Goria 1 Conception graphique
MISSISSIPPI LEGISLATURE REGULAR SESSION 2013 By: Senator(s) Hill, Gandy, Hudson, Smith, AN ACT TO CREATE WOMEN'S HEALTH DEFENSE ACT OF 2013; TO 2 DECLARE CERTAIN FINDINGS OF THE LEGISLATURE; TO MAKE IT UNLAWFUL 3 TO KNOWINGLY PROVIDE OR PRESCRIBE ANY ABORTION-INDUCING DRUG TO A 4 PREGNANT WOMAN FOR THE PURPOSE OF INDUCING AN ABORTION IN THAT 5 PREGNANT WOMAN UNLESS THE PERSON WHO PROVIDES OR
Lashkar-e-Taiba Attacks in Jammu & KashmirA. Mannes2,3, J. Shakarian2, A. Sliva1,2,3,4 and V.S. Subrahmanian1,22Institute for Advanced Computer Studies & 3School of Public Policy4 Northeastern University, Boston, MA 02115. Abstract—Lashkar-e-Taiba (LeT for short) is one of the deadli-a much larger number—over 2,000—of such rules) usingest terrorist groups in the world. With ove