Les juges pris au sérieux ou la théorie du droit selon dworkin
On peut faire apparaître dans l’œuvre de Dworkin une conception cachée
de la théorie du droit (ou une métathéorie), qui se distingue de la théorie
positiviste par deux aspects : d’une part, elle refuse de distinguer entre la
théorie et l’objet de cette théorie, entre droit et morale, entre prescription
et description ; d’autre part, elle énonce que la théorie comporte des pro-
positions de droit, mais que celles-ci ont seulement pour objet de justifier
des pratiques existantes. Cette métathéorie est critiquable sur ces deux
points. Son véritable objet est de justifier le discours par lequel les juges
dissimulent leur pouvoir de création du droit.
– La séparation des pouvoirs etl’histoire constitutionnelle fran-çaise, Paris, LGDJ, 1e éd. 1973, 2e
One can bring out in Dworkin’s 1vork a hidden conception of a tl1eory of
law (or a metatheory), which can be distinguished from a positivist theory
in two ways : on the one hand it rejects distinctions between theory and
the object of theory, between law and morality, and between description
and prescription. On the other hand it claims that a theory contains
propositions of law, but that these have as their rote object the justifica-
Seriously, 2e éd. Londres, 1978.
tion of existing practices. This metatheory can be criticized on both of
these grounds. Its true aim is to justify the discourse by which judges
Une grande partie des commentateurs de l’œuvre de Dworkin
se sont attachés à le définir comme un positiviste ou un jus natu-
raliste, avec d’ailleurs des conclusions très variées 1. On pourrait
suiv. et G. REBUFFA, Costituziona-
évidemment estimer que le classement d’un auteune présente
pas un très grand intérêt, sauf pour l’histoire des idées et que, si
diritto naturale, p. 209 et suiv.
l’on est théoricien ou philosophe du droit, il est préférable
d’examiner le contenu des thèses de cet auteur et de rechercher si
ralista ? » Rivista internazionaledi Filosotia del diritto, n° 1, 1984,
elles sont vraies. Mais on peut aussi se demander pour quelles rai-
sons des commentateurs, qui ne se présentent pas comme histo-
riens des idées, se livrent à cet exercice de classement et pourquoi
ils s’y livrent davantage à propos de certains auteurs. Une pre-mière explication pourrait être trouvée dans l’intention polémi-que : si un auteur se classe lui-même dans un courant, s’il combatun courant opposé, il est tentant de rechercher les contradictiondont il a pu se rendre coupable
en adoptant à son insu les thèses qu’il a lui-même critiquées.
C’est ainsi qu’on a souvent dit de la Théorie Pure de Kelsen qu’elleétait en réalité entachée de jus naturalisme et qu’on dit parfois deDworkin qu’il n’est pas si éloigné du positivisme 2.
Il y a certes plus sérieux : tout classementrmet de réaliser
une économie intellectuelle considérable : il existe pour et contrele positivisme, pour et contre le jus naturalisme, des argumentsbien connus. Affecter un auteur à une classe, c’est le faire bénéfi-cier des arguments favorables à cette classe et le désigner aux ar-guments hostiles.
Malheureusement, dans certains cas, l’auteur se révèle difficile
à classer, soit que son œuvre présente certains caractères de l’undes courants et certains caractères de l’autre, soit qu’elle com-porte des thèses qui n’appartiennent ni à l’un ni à l’autre. Une ten-tative de classement perd alors tout intérêt, d’abord parce que leclassement serait nécessairement arbitraire ou conduirait à remet-tre en cause les critères de classification, ensuite parce que le bé-néfice intellectuel qu’on peut attendre normalement de l’opérationne pourrait être obtenu en l’espèce.
Dworkin est précisément un auteur difficile à classer et c’est
d’ailleurs ce qui fait l’intérêt de son travail.
Ce qu’on peut appeler–d’un terme que, sans doute il rejetterait
– sa « métathéorie » est un exemple frappant de cette difficulté :une métathéorie positiviste est une théorie selon laquelle la théo-rie du droit (ou science du droit) est distincte de son objet, le droitpositif. Dworkin est sur ce point, comme on le verra, antipositi-viste Mais, d’autre part une métathéorie positiviste est une théorieselon laquelle la théorie du droit doit décrire le droit tel qu’il est. Or, c’est bien ce que prétend faire Dworkin. Il serait donc positi-viste. On voit que ce jeu est futile et qu’on ne doit pas chercher àle classer globalement. Un tel classement est impossible et à sup-poser qu’on y parvienne, il ne procurerait aucun des avantagesqu’on peut attendre de ce genre d’opération. Il faut donc poser lesseules questions qui comptent : quelle est la métathéorie deDworkin ? Quelles sont les thèses qu’elle comporte ? Ces thèsessont-elles vraies – ou, si l’on préfère, sont-elles justes ? Autrementdit, ce sont des thèses spécifiques qu’on peut classer comme posi-
tivistes ou antipositivistes et qui pourront fréquemment – mais
l’article précité de Materiali.
pas toujours – être soumises à des arguments connus.
Mais d’abord, y a-t-il chez Dworkin une métathéorie du droit ?
Il est clair que, même si tous les auteurs ne consacrent pas à
la métathéorie du droit un texte séparé, il est toujours possible dedéceler chez eux une conception de la théorie du droit sous-jacente. On pourrait être tenté de croire qu’un tel travail n’est pasnécessaire à l’égard de Dworkin, qui a exposé sa conception no-tamment dans l’article publié ci-dessus 3. Cet exposé est cepen-dant partiel et il faut procéder, commr d’autres auteurs, enrecherchant, dans ses articles de théorie du droit, c’est-à-dire ceuxqui portent sur le droit, la conception de la théorie du droit qui està l’œuvre.
Si l’on entend par métathéorie du droit, d’une façon très géné-
rale le discours relatif à la théorie du droit, ou simplement l’idéemême non exprimée que l’on se fait de la théorie du droit, alors lamétathéorie peut comporter plusieurs aspects :
– Elle doit avant tout déterminer son objet : qu’est-ce qu’une
théorie du droit ? Est-elle distincte ou non du droit lui-même ? Àproprement parler, il n’y a de métathéorie du droit que s’il y a unethéorie du droit et un droit distincts. On verra que cette conditionn’est pas remplie dans le cas de Dworkin. On utilisera malgré toutle terme de métathéorie du droit pour désigner un discours quiporte à la fois sur le droit et la théorie du droit et cela pour deuxraisons :
1. C’est évidemment au nom d’une certaine conception de la
théorie du droit que la distinction est contestée.
2. Il faut distinguer le discours qui porte sur l’ensemble théo-
rie du droit – droit et celui qui porte sur les éléments du droit. Parexemple les textes dans lesquels Dworkin affirme que le droitn’est pas un système de règles (théorie du droit) et ceux dans les-quels il parle de la théorie du droit comme d’une activité à laquellese livrent les juges ou les avocats 4.
3. Droit et Société, n° 1, 1985.
En second lieu, toute métatie doit comporter une thèse
4. On emploie le terme de théo-rie du droit pour traduire
sur le statut des propositions contenues dans la théorie du droit :
sont-elles prescriptives ou descriptives, si elles sont descriptives
sont-elles susceptibles d’être vraies ou fausses et dans l’affirma-
tive quels sont les critères de vérité ?
On laissera ici de côté un aspect sur lequel Norberto Bobbio a,
à juste titre, attiré l’attention : la distinction entre métathéorie des-
criptive et métathéorie prescriptive et cela pour deux raisons 5 :
D’une part, lorsqu’une théorie du droit correspond à umé-
une activité distincte du droitlui-même. « Théorie du droit »
tathéorie implicite, cette métathéorie est nécessairement prescrip-
tive, car un auteur qui construit une théorie du droit, qu’il veut
scientifique ou utile, professe toujours certaines idées sur les ca-
ractères qu’elle doit présenter pour être réellement scientifique ou
utile ou pour satisfaire aux autres exigences de l’auteur. C’est
im Erfahrungsbereich des Rech-tes, Archiv fur Rechts- und So-
seulement si l’on veut, comme Bobbio (mais seulement dans l’ar-
ticle auquel on vient de faire allusion), envisager les théories du
droit de la manière dont la philosophie des sciences envisage les
théories scientifiques, qu’on peut prétendre construire une méta-
théorie descriptive. Mais il faut pour cela considérer non pas une
théorie du droit en construction, mais un ensemble de théories etsurtout il faut les supposer vraies de manière à poser la question :« Comment savons-nous ce que nous savons ? », c’est-à-dire énon-cer les raisons pour lesquelles nous les tenons pour vraies ou ac-ceptables. Or, un tel présupposé est évidemment impossible, caron ne peut tenir pour vraies toutes les théories du droit profes-sées à une époque donnée, ne serait-ce que parce qu’elles compor-tent des propositions tout à fait contradictoires 6. C’est la raisonpour laquelle tous les théoriciens du droit s’en tnent, à défautd’un tel présupposé, à une métathéorie prescriptive. C’est ce quefait par exemple Kelsen, mais c’est aussi ce que fait Bobbio lui-même dans ses autres travaux.
D’autre part, la distinction perd de sa pertinence lorsque
l’auteur comme c’est le cas pour Dworkin refuse de distinguer en-tre la théorie du droit et le droit lui-même. Si l’on peut toujoursdéterminer le niveau de langage auquel se place Dworkin, il estimpossible de déterminer le niveau de la « Jurisprudence » puis-que ce terme désigne tout aussi bien la discipline que l’on ensei-gne dans les écoles de droit sous ce nom ou sous celui de théoriegénérale du droit et qui a pour objet l’étude des concepts géné-raux et du mode de raisonnement employé par les praticiens, ju-
6. On peut évidemment envisa-ger une métathéorie descriptive
ges ou avocats, que ce raisonnement lui-même 7. Si par consé-
quent, on utilise à propos de Dworkin le terme demétathéorie »,
c’est dans un sens différent du sens habituel, non pas pour indi-
quer une théorie qui aurait pour objet une théorie du droit, elle-
même distincte de son propre objet, le droit, mais seulement pour
parler de la manière dont notre auteur se représente la théorie du
droit, quels que soient la fonction et l’objet qu’il assigne à celle-ci.
Mais on ignorera toujours si cette métathéorie prescrit à la théorie
de prescrire au juge un certain comportement (décrire le droit) ou
si, tout simplement, elle décrit elle-même ce que les juges font en
réalité (et qui est la mise en œuvre d’une « jurisprudence » selon
Dworkin) ou encore si elle prescrit à la théorie du droit (celle des
professeurs cette fois) de décrire ce que font les juges.
7. L’idée que les juges et les pra-ticiens ont en somme une activi-
Il est donc préférable de parler de métathéorie non pas
comme d’une prescription ou d’une description, mais simplement
comme d’une représentation qui est l’une et l’autre et parfois si-
l’article publié dans Droit et So-ciété, n° 1, « La théorie du droit
On examinera alors simplement la manière dont Dworkin se re-
présente d’une part la fonction et l’objet de la théorie du droit ou
« Jurisprudence » et d’autre part les propositions qu’elle contient.
chapitre 1 de Taking Rights Se-riously, sous le titre de« Jurisprudence ».
I. Fonction et objet de la théorle du droit
Il convient, selon Bobbio, de distinguer trois dimensions ou
aspects du positivisme 8. Le positivisme comme approche ou mé-thode, le
positivisme comme théorie du droit et le positivisme comme
idéologie. La critique formulée par Dworkin à l’égard du positi-visme s’adresse évidemment d’abord à la théorie du droit, puis-qu’il reproche aux auteurs de cette tendance et spécialement àHart de concevoir le droit comme un système qui ne comporteraitque des règles ou d’affirmer qu’en l’absence de règle claire, le jugedispose d’un pouvoir discrétionnaire.
Cependant, bien qu’il ne critique pas expressément la concep-
tion positiviste de la théorie du droit, c’est-à-dire le premier aspectdu positivisme, il est facile de déceler comment, sur trois pointsau moins, il rejette cette méthode.
En premier lieu, le positivisme est fondé sur une distinction
radicale entre le droit et la morale ou, en d’autres termes, entre ledroit tel qu’il est et le droit tel qu’il devrait être ou encore entre ledroit réel et le droit idéal 9. Cette distinction exprime une concep-tion particulière de l’ob auquel doit s’attacher la théorie dudroit : elle doit porter exclusivement sur le droit tel qu’il est. Ils’ensuit que le fait pour une règle de droit d’être incompatibleavec une morale quelconque ne l’empêche pas d’être une règle dedroit. Il s’ensuit également que le positiviste entend s’abstenir nonseulement de comparer le droit existant à une morale en vigueur,mais encore de formuler lui-même des préceptes moraux et d’ex-primer des jugements de valeur sur le droit. Bref l’attitude positi-viste se réclame du principe de la neutralité éthique, que Kelsenexprime en qualifiant sa théorie de « pure » (sous-entendu « detoute idéologie ») et prétend fonder une véritable science du droit.
Cette distinction implique par conséquent d’une part que le
positiviste se refuse à utiliser, pour identifier les éléments du sys-
positivismo giuridico, Milan, Edi-
tème juridique, un critère tiré de la conformité à une règle morale,
d’autre part qu’il s’abstienne de formuler un jugement moral sur
le droit dans son ensemble ou sur telle ou telle partie de ce droit.
9. Ibid., p. 105 et H.L.A. HART,« Positivism and the Separation
Or, l’examen des écrits de Dworkin montre à l’évidence qu’il
n’admet pas ces principes méthodologiques. C’est ainsi qu’il défi-
nit les principes, qui, selon lui, lient les juges, comme des
« standards qui doivent être observés. car ils résultent d’une exi-
gence de la justice de l’équité ou de quelque autre dimension de la
morale » 10 (l0), ou qu’il écrit que la Constitution américaine
« fond leoblème juridique et le problème moral, en faisant dé-
pendre la validité d’une loi de la solution qu’on donne à certains
problèmes moraux complexes comme celui de savoir si telle loi
dans Droit et Société, n° 1.
respecte l’égalité essentielle des hommes » 11.
11. Taking Rights Sesiously,p. 185.
Il est vrai que selon certains excellents commentateurs, la po-
sition de Dworkin serait moins tranchée qu’il n’y paraît. C’est ainsi
que Carrio soutient que le rapport établi par Dworkin entre le
droit et la morale n’est pas un rapport nécessaire, mais seulementun rapport contingent 12. Il se trouve que dans le système améri-cain, écrit Carrio, lastitution énonce certains principes mo-raux et que la validité d’une règle est établie selon des critères ti-rés de la conformité de cette règle à ces principes moraux. Maisc’est là une caractéristique du système américain et pas nécessai-rement de tous les systèmes. Il invoque d’ailleurs un passage danslequel Dworkin répond à certains de ses critiques et écrit qu’il nerésulte pas [de ses thèses] « que le droit soit toujours moralementjuste ou que ce qui est moralement juste soit toujours dudroit »13. Ainsi, Dworkin admettrait, comme un positiviste, qu’unerègle t être contraire à la morale et néanmoins être une règlejuridique.
Il est clair que si Dworkin se bornait, comme le soutient Car-
rio, à constater ce fait que certains systèmes juridiques utilisenteffectivement des critères de validité tirés de la conformité à unemorale positive, il n’y aurait guère de différence entre l’attitudequ’il adopte et l’attitude d’un positiviste : tous deux s’efforceraientde décrire des faits ; ils divergeraient seulement dans leurs des-criptions.
Malheureusement, cette tentative pour ramener Dworkin au
bercail positiviste échoue parce qu’elle se fonde sur une analyseinsuffisante de la fameuse séparation entre droit et morale. Cer-tes, le positivisme repose sur l’idée d’une séparation entre droit etmorale, mais les différents termes de cette proposition peuventêtre entendus dans des sens très différents, de sorte que dans l’unau moins de ces sens on aurait beaucoup de peine à trouver unseul théoricien qui ne fût pas positiviste. Nul ne pense par exem-ple que le droit et la morale se confondent absolument de tellesorte que le droit en vigueur est toujours juste, quel que soit soncontenu et quelle que soit la manière dont il a été posé, quelle quesoit la source d’où il est issu, et que les principes d’une moralequelconque permettent toujours de déterminer une conduite juri-diquement obligatoire. Si par conséquent Dworkin refuse qu’on luiattribue cette idée, on ne saurait en conclure que c’est un positi-viste qui s’ignore.
En fait, cette distinction peut signifier, et signifie en réalité,
tout autre chose, par exemple un refus de porter un jugement surle droit existant ou encore l’idée que le droit, que son contenu soitconforme ou contraire à des normes morales, constitue un sys-tème normatif spécifique, qui doit faire l’objet d’une étude sépa-
rée. Et il demeure que Dworkin n’accepte pas cette distinction si
elle est ainsi comprise. Il ajoute d’ailleurs, dans l’article même cité
Taking Rights Seriously, p. 342.
par Carrio, que si les principes juridiques ne sont pas des princi-
pes moraux en ce sens qu’ils seraient des « principes moraux
corrects », ils sont néanmoins nécessairement moraux « dans leurforme », qu’ils soient corrects ou non. En d’autres termes, on peutparfaitement concevoir que ces principes juridiques soient mora-lement méprisables, ils sont néanmoins par nature des principesmoraux.
Il semble que Carrio ait ainsi commis une seconde erreur, celle
de prendre, bien qu’il s’en défende et qu’il pense avoir pris toutessortes de précautions intellectuelles pour éviter ce risque, une po-sition de Dworkin dans le champ de la théorie du droit (il y a danscertains systèmes juridiques, comme le système américain, desprincipes juridiques qui sont moraux) pour une position dans lechamp de la métathéorie.
On le voit bien lorsque Dworkin raisonnant sur le droit nazi
imagine le procès fait par un non-juif à un juif sur le fondementd’une loi discriminatoire en vigueur. Dworkin soutient que le re-quérant a un droit faible d’obtenir satisfaction, mais que ce droitfaible est dépassé par un droit moral concurrent du défendeur 14. Cela signifie non seulement que le droit et la morale ne cotuent pas des systèmes séparés, puisque les antinomies peuvent etdoivent être surmontées par le triomphe de la règle morale (ce quipeut être l’attitude d’une théorie prescriptive du droit), mais en-core qu’il appartient à la théorie du droit (à la Jurisprudence)d’affirmer l’existence de règles morales distinctes des règles juri-diques et leur préséance sur celle-ci (ce qui est l’attitude d’une mé-tathéorie antipositiviste).
On peut donc résumer sur ce point la position de Dworkin :
Première thèse (de théorie du droit) : le droit et la morale sont dis-tincts en ce sens qu’une règle juridique peut toujours être mora-lement iniuste. mais ils ont des liens étroits puisque les principesjuridiques, qui forment une partie du droit, sont de nature morale(même s’ils sont injustes). Deuxième thèse (métathéorique) il ap-partient au juriste de déterminer et d’examiner la valeur des prin-cipes juridiques qui sont de nature morale et qui peuvent permet-tre d’écarter des règles en vigueur. Cette deuxième thèse se heurteà l’objection simple que, si le juriste tente d’examiner la valeur dece qui forme son objet, il s’interdit par-là même toute possibilitéd’un examen scientifique.
En deuxième lieu, Dworkin refuse de distinguer, comme le
font les positivistes, entre la théorie du droit, dite aussi philoso-phie du droit ou encore « jurisprudence » et raisonnement juridi-que ou judiciaire (ces deux termes sont employés indifféremment). C’est ainsi qu’il critique « l’idée généralement admise que la philo-sophie du droit serait une discipline distincte de la pratique dudroit. alors que la philosophie du droit n’est pas une étude au
deuxième degré qui aurait pour objet le raisonnement juridique
interprétation », Droit et Société,
ordinaire. Elle est au contraire l’essence même du raisonnement
juridique » 15. Dans un passage particulièrement frappant, il ima-
gine d’aill un juge, disposant d’aptitudes surhumaines, qu’il
appelle Hercule. Hercule résout les cas difficiles en construisant
une théorie politique propre à justifier toutes les solutions législa-tives ou jurisprudentielles adoptées jusqu’alors. De cette théoriegénérale, de caractère philosophique, découleront les principes quifourniront la solution du litige. Ce juge est donc aussi un théori-cien et un philosophe.
Mais, pour reprendre une image de Dworkin, le théoricien ou
le philosophe du droit ne sont que l’autre face de la même mé-daille 16 : ils élaborent des interprétations qui rendent compte despratiqs existantes et dont la fonction est de justifier l’exercicede sa force publique 17.
Cette attitude elors justiciable d’une série de critiques
classiques qu’on peut résumer ainsi.
A part le fait qu’en refusant cette distinction, il renonce à
l’outil intellectuel puissant que constitue la distinction des niveauxde langage, il s’expose au reproche de circularité dans l’argumen-tation, qui lui a été adressé à propos d’Hercule 18 : si la théorie dudroit doit élaborer des principes qui justifient latiques ou lesrègles, quelles sont les pratiques ou les règles qui doivent être jus-tifiées ? Comme on ne dispose d’aucun critère permettant de lesindividualiser, on doit rechercher dans les principes, obtenus àpartir des règles existantes, le critère qui servira à déterminer cesrègles elles-mêmes etc.
D’autre part, s’il refuse toute distinction entre raisonnement
judiciaire et théorie du droit 19, il doit nécessairement refuser
également de distinguer entr théorie du droit et son propre
interprétation », Droit et Société,n° 1, p. 81-92.
discours sur la théorie du droit, dont on doit alors penser qu’il a
lui aussi une fonction de justification, autrement dit qu’il n’est
Le théoricie droit, lorsqu’il expose des principes, énonce
donc des valeurs (justifier, c’est affirmer que tel fait, tel compor-
tement est conforme à des valeurs). Ces valeurs, Dworkin soutien-
drait probablement qu’elles sont objectives, en ce sens que ce sont
celles que les lois et les précédents en vigueur expriment, de sorte
que le théoricien a pour tâche de découvrir les principes qui
s’accordent (« fit ») le mieux avec les règles et pratiques existantes.
Mais, il doit admettre qu’il est souvent possible de justifier un
20. G. REBUFFA estime par exem-ple qu’il s’agit d’une variante de
même ensemble de règles avec des principes opposés. Les princi-
pes auraient donc une existence, mais on ne saurait pas toujours
quels sont les principes qui existent. Il faudrait alors rechercher
celui qui offre la meilleure justification. Il y aurait des controver-
sly, I diritti presi sul serio, Bolo-gne. Il Mulino, 1982.
ses dans lesquelles chaque philosophe devrait faire appel à ses
interprétation », Droit et Société,n° 1, p. 81-92.
En troisième lieu, Dworkin refuse de distinguer entre prescrire
et décrire. Il refuse cette distinction aussi bien pour les juges quepour la théorie du droit. La théorie a pour tâche d’exprimer desprincipes qui justifient des pratiques existantes, mais, comme onvient de le voir, ces principes sont à la fois décrits et prescrits. Dé-crits, parce qu’ils préexistent à la discussion judiciaire, mais pres-crits parce qu’on ne peut affirmer que tel principe est celui quis’adapte le mieux, qu’à l’aide de ses propres valeurs 22.
De même, lorsque Dworkin, philosophe du drffirme que
les juges et les théoriciens du droit exercent la même activité, onignore et on doit ignorer s’il décrit des faits (juges et théoriciensélaborent des théories destinées à justifier les pratiques existan-tes) ou s’il recommande aux juges d’adopter ce mode de justifica-tion de leurs décisions et aux théoriciens d’abandonner la descrip-tion. S’il s’agit de descriptions, elles peuvent être vraies ou faussespour autant qu’elles prétendraient s’appliquer à tous les juges ettous les philosophes du droit de tous les temps et de tous lespays. D’autre part, on pourrait comprendre un ensemble de pres-criptions (à défaut de s’y soumettre) si elles étaient présentéescomme telles, insérées dans un projet politique et justifiées parexemple par l’utilité sociale d’un système dans lequel juges etphilosophes du droit se consacreraient exclusivement à l’imitationd’Hercule. Mais Dworkin prétend justifier ses prescriptions par ladescription de ce que font certains juges dans certains cas. Il en-treprend en d’autres termes de fonder un devoir-être sur un êtreet, qui plus est, sur un être incertain.
II. Contenu et méthode d’argumentation de
On peut être surpris, compte tenu de ce qui précède, de ren-
contrer sous la plume de Dworkin l’expression « proposition dedroit ». Dans la terminologie positiviste, spécialement chez Kelsen,cette expression désigne en effet une proposition, contenue dansla science du droit, qui a pour objet de décrire une norme corres-pondante dans le droit lui-même et susceptible, au contraire desnormes, d’être vraie ou fausse. L’usage de ce terme implique ainsile dualisme de la théorie du droit et du droit ou du raisonnementjuridique que Dworkin refuse. En réalité il l’emploie dans un sensdifférent qu’il faut examiner en recherchant d’abord l’origine,l’objet et le statut de ces propositions, puis leurs conditions devalidité.
Il existe une ambiguïté sur le premier point. D’un côté les pro-
positions de droit sont une partie du droit lui-même. « On ne peutpas plus saisir, écrit-il, la nature de l’activité juridique sans com-prendre le sens des propositions de droit, qu’on ne pourrait com-
22. Cf. A. PINTORE, op. cit., p. 69.
prendre la discipline des mathématiques sans saisir le sens des
propositions mathématiques » 23. Elles font donc partie du droit
qu’il s’agit de comprendre, e les propositions mathémati-
ques font partie des mathématiques. D’ailleurs, ces propositions,dont Dworkin donne quelques exemples, peuvent être énoncéespar le juge et pas seulement par les théoriciens du droit 24.
Mais, si elles font ainsi partie du droit, on ne doitpendant
pas les assimiler à des règles ou à des normes, d’une part parceque l’énoncés de ces propositions n’est pas, comme on l’a vu, unprivilège des juges et qu’elles peuvent être aussi émises par desthéoriciens ; d’autre part, parce que le droit dont elles font partien’est pas le système juridique ; ce n’est pas le droit en vigueur. C’est le droit dont on parle, quand on demande, conformément àla vieille tradition, si c’est un art ou une science. Autrement dit,c’est une activité, exercée par tous ceux qui ont a avec le droit unrapport quelconque, qu’ils soient chargés de l’appliquer ou qu’ilss’efforcent de le décrire. En ce sens, les propositions de droit fontbien partie de cette discipline, comme les propositions mathéma-tiques font partie des mathématiques.
Ce concept de proposition de droit est donc différent aussi
bien des normes que des propositions de droit au sens de Kelsen. Il faut d’ailleurs reconnaître que le dualisme positiviste susciteune question embarrassante que Dworkin paraît vouloir résoudreau moyen de ce concept : si le droit est un système de normes po-sées les unes en application des autres, si la science décrit cesnormes à l’aide de propositions de droit, il reste que les organesde l’ordre juridique doivent nécessairement, pour créer unenorme, en appliquer une autre et donc établir qu’elle existe etqu’elle a un certain contenu. Il leur faut donc énoncer une propo-sition de droit. Ainsi, même en prenant l’expression « propositionde droit » dans le sens que lui donnent les positivistes on pourraitêtre tenté d’admettre, ce qu’ils ne font pas, que les propositions dedroit se retrouvent dans l’activité des juristes praticiens, commedans la science du droit et de suivre ainsi Dworkin dans son refusdu dualisme.
Il faut pourtant résister à cette tentation pour au moins deux
raisons. Tout d’abord, Dworkin lui-même ne peut échapper à unedistinction analogue à celle qu’il rejette. On sait qu’il critique avecforce l’idée que le droit serait un système de règles et qu’il sou-tient qu’il comporte aussi des principes. Mais, le droit, qui contientainsi les règles et les principes n’est pas la même chose que ledroit qui comporte des propositions. Dans le premier cas, il s’agitdu droit en vigueur, dans le second de la pratique juridique. Ainsi,
23. « La théorie du droit commeinterprétation », Droit et Société,
la proposition de droit que cite Dworkin 25 « le droit interdit aux
États de refuser à quiconque l’égale proten des lois au sens du
14e amendement » peut en effet être énoncée par un juge, qui mo-
tiverait une décision et qui entendrait signifier qu’il constate l’exis-
tence dans le droit positif d’un principe, selon lequel le droit in-
terdit aux États etc. Dworkin rétablit donc la distinction entre ledroit en vigueur et la description de ce droit, mais il en déplace lafrontière, qui ne passe plus comme chez les positivistes entredroit et science du droit, mais à l’intérieur même du droit entre ledroit d’une part et d’autre part son application et sa description.
D’autre part, l’attitude de Dworkin ne permet pas de résoudre
un paradoxe qui paraît résulter de la doctrine positiviste. Seloncette doctrine, une norme ne peut être ni vraie ni fausse, mais ellepeut avoir une forme spécifique de validité, le caractère obligatoireet sa validité ne peut dépendre de la vérité d’une proposition defait (de ce que quelque chose est on ne peut inférer que quelquechose doit être), mais seulement de sa conformité à une normesupérieure. Or, si l’on admet que le juge doit avant de poser unenorme individuelle (la sentence) énoncer une proposition de droitPar laquelle il affirme qu’il existe une norme générale supérieureet qu’elle a tel contenu, il semble fonder la validité de la sentencequ’il émet sur la vérité de la proposition de droit. Si celle-ci estfausse, si la norme générale qu’il décrit n’existe pas ou bien a uncontenu différent, la norme individuelle devrait être considéréecomme non valide. Une telle inférence est pourtant impossible26.
Il semble découler de la thèse de Dworkin, que si les proi-
tions de droit sont susceptibles d’être vraies ou fausses, en tantqu’elles affirment l’existence et le contenu d’un principe ou d’unerègle, la sentence émise par un tribunal est elle-même une pro po-siton de droit particulière, qui peut être valablement déduite de laproposition de droit générale. Mais la difficulté n’est résolue qu’enapparence, puisque la validité de la sentence, entendue commeproposition de droit, ne peut dériver de sa conformité avec unerègle ou un principe, qui sont des prescriptions, ce que Dworkinne nie pas.
En second lieu, si, pour Dworkin, comme pour les positivistes,
les propositions de droit sont vraies ou fausses, leur vérité ou leur
que deux solutions : ou bien, illui faut admettre que la proposi-
fausseté n’est pas déterminée selon les mêmes critères et n’a pas
les mêmes conséquences : pour un positiviste comme Kelsen une
proposition de droit est vraie si la norme qu’elle décrit existe dans
le système juridique considéré et l’existence (ou validité) de cette
norme est déterminée selon des critères immanents au système
juridique. Elle est valide soit si son contenu est conforme au
contenu d’une autre norme, soit si elle a été posée de la manière
prescrite par une norme supérieure. Mais si la proposition de droit
ment fonder la validité de lanorme individuelle ou bien il lui
est fausse, il n’en résulte aucune conséquence quant à la validité
de la norme. La relation entre validité de la norme et validité de la
proposition de droit est donc à sens unique : la validité de la pro-
position de droit dépend de la validité de la norme ; la validité de
la norme ne dépend en rien de la validité de la proposition de
Pour Dworkin, il en va différemment. Les propositions de droit
décrivent notamment des principes. Or, l’existence ou la validité
d’un principe ne dépend en rien de sa conformité à une norme su-
périeure ou de la manière dont il a été posé (puisque, par hypo-thèse, il ne l’a pas été). Cette existence peut faire l’objet de contro-verses et les juristes tentent de l’établir en montrant qu’il rendbien compte d’un ensemble de pratiques et de règles existantes,qu’il leur fournit une justification adéquate. Il en résulte que laproposition de droit, par laquelle les juristes décrivent un prin-cipe, n’est que la conclusion de cette activité d’interprétation et dejustification. Cette proposition n’est pas vraie parce qu’ellecorrespond à un principe ayant une forme d’existence indépen-dante d’elle, mais c’est au contraire l’existence du principe qui dé-pend de la vérité de la proposition qui le décrit.
Or, cette thèse repose sur une conception de la vérité très dif-
férente de celle qui fonde non seulement l’attitude positiviste,mais toute attitude scientifique. On entend en général par véritéune propriété objective des propositions qui interdit à touthomme raisonnable de les nier de bonne foi. Les propositions dedroit selon Dworkin ne peuvent jamais être vraies en ce sens, maissont au contraire toujours sujettes à controverse 27. Il y a plus : del’aveu de Dworkin, les propositions de droit a « sont cellesqui constituent la meilleure justification ou qui rendent le mieuxcompte d’une pratique ou d’un ensemble de règles existantes. Celasignifie d’abord que leur valeur de « vérité » est susceptible deplus et de moins. D’autre part, la justification doit s’entendre de lafaçon suivante : un principe offre une bonne justification d’unerègle, si l’on peut montrer que cette règle pourrait être déduite duprincipe ; mais il est évident qu’une même règle pourrait être dé-duite de plusieurs principes contradictoires et c’est la raison pourlaquelle Dworkin est contraint de forger le mythe d’Hercule, quiimaginera des principes rendant compte de l’ensemble des prati-ques existantes. Mais un juge ou un théoricien ordinaire pourraitrendre compte de plusieurs façons de ces pratiques, de sorte qu’ilfaut exercer un choix et que celui-ci reflète finalement la subjecti-vité de son auteur. Il est d’ailleurs frappant de constater queDworkin utilise fréquemment des comparaisons tirées de la litté-rature ou de la critique littéraire : la meilleure interprétation estcelle qui s’accorde avec tout ce qu’on sait par ailleurs. Ainsi, laproposition selon laquelle David Copperfield est homosexuel est,d’après lui, susceptible d’être vraie ou fausse et elle est fausse sielle ne s’accorde pas avec tout ce que nous savons du personnage.
Mais l’affirmation que telle interprétation s’accorde ou ne
s’accorde pas avec tout ce que l’on sait signifie seulement queDickens n’a pas écrit que David Copperfield est homosexuel et que
s’il l’avait écrit, son roman serait plus beau ou moins beau. Elle
tion », Droit et Société, n° 1.
exprime seulement un jugement esthétique. Dworkin fait donc dé-
pendre l’existence des principes de jugements esthétiques ou
Enfin, si l’activité des juristes et la théorie du droit constituent
ainsi aux yeux de Dworkin des interprétations, dont la fonction estde fournir la meilleure justification du droit existant, on doit né-cessairement considérer que sa philosophie du droit, c’est-à-dire lathèse que les juges n’ont pas de pouvoir discrétionnaire maisqu’ils sont tenus d’appliquer des principes, que les principes peu-vent conduire à écarter les règles posées par le législateur, que leshommes possèdent des droits naturels qui résultent de ces princi-pes, que ceux-ci ont une existence susceptible d’être établie aumoyen d’une activité d’interprétation, c’est-à-dire en démontrantqu’ils sont de nature à justifier les pratiques existantes etc. estelle-même une interprétation de ce genre, c’est-à-dire que sa vali-dité ne peut être démontrée qu’en montrant qu’elle fournit lameilleure justification d’un ensemble de pratiques existantes.
Cela ressort clairement de sa méthode d’argumentation. Ainsi,
en faveur de l’idée que le juge n’a pas de pouvoir discrétionnaireet qu’il est toujours lié par des principes préexistants, Dworkinemploie l’argument de la démocratie : si le juge disposait d’unpouvoir discrétionnaire, cela signifierait qu’il dispose d’un pouvoirde création du droit ; dans un système démocratique, le droit nepeut être créé que par des représentants élus du peuple souve-rain ; or, le système américain est un système démocratique. Donc,dans le système américain, les juges, qui ne sont pas des représen-tants élus, n’ont pas le pouvoir de créer du droit et sont liés pardes principes 28. De même, si l’on admettait que le juge choisit li-brement daocéan des standards extra juridiques ceux qu’ilérige en principes, alors on justifierait toutes les mutations den’importe quelle règle, même la mieux établie ; donc les juges nepeuvent choisir librement les standards qu’ils érigent en prin-cipe 29.
aut du raisonnement est évident : la question n’est pas
de savoir s’il est conforme ou contraire ou principe démocratiqueque les juges puissent créer du droit, mais seulement s’ils ont enfait le pouvoir d’en créer ; de même, il ne s’agit pas, pour qui en-tend décrire le droit, de savoir si l’admission (par la philosophiedu droit) de la thèse du libre choix par le juge des standards qu’ilérige en principes est de nature à justifier quoi que ce soit, maisseulement de savoir si, en fait, les juges choisissent librement ounon ces standards.
À ce point, il objecterait probablement que son but n’est pas
de décrire, mais seulement de fonder des principes, qu’il lui estindifférent par exemple de savoir si les juges appliquent réelle-ment des principes dotés d’une existence objective et qu’il veutseulement justifier les pratiques existantes.
28. Voir note 26. 29. Voir note 27.
À supposer que cette philosophie du droit se donne ainsi
comme idéologie, il resterait à savoir quelles sont les pratiques
Qu’une telle attitude présente le caractère d’une idéologie a
déjà été relevé et il est possible, comme cela a été écrit, qu’elle aitpour contenu le libéralisme politique et pour fonction la défensedu « Welfare State » 30. Ce n’est pourtant pas une critique décisivepour une philosophi droit qui se réclame ouvertement du libé-ralisme. La mise en évidence du caractère idéologique d’une théo-rie ne constitue une critique que si cette théorie se veut scientifi-que, mais Dworkin n’a sauf erreur, jamais exprimé cette ambition. On ne pourrait donc la critiquer qu’en tant qu’idéologie en mon-trant qu’elle justifie mal ce qu’elle prétend justifier ou qu’elle jus-
tifie en réalité autre chose. Sur le premier point, la critiqueéchouerait probablement car il découle en effet de la doctrine dé-mocratique que les juges ne peuvent pas créer du droit. Sur le se-cond point, les choses sont moins claires. Dworkin soutient que laphilosophie du droit doit être une interprétation de pratiques exis-tantes (au sens qu’il donne à ces termes). Sa doctrine serait doncune interprétation ou une justification des pratiques par lesquel-les les juges tranchent les cas difficiles non en créant du droit,mais en appliquant des principes. On a déjà souligné que l’exis-tence réelle de ces pratiques pourrait être mise en doute et queDworkin ne pourrait prétendre en donner une description. D’ailleurs, si elles existaient, il ne serait pas nécessaire d’en don-ner une justification aussi élaborée, il suffirait de les décrire. Ellesne peuvent donc pas faire l’objet d’une justification. Seul pourrait
être justifié le « principe » selon lequel les juges ne doivent pascréer du droit, mais Dworkin répugne évidemment à cet exercice,banal et sans intérêt. Il vise donc bien à justifier des pratiques,mais ce ne sont pas celles qu’il indique. Ce sont celles par les-quelles les juges, qui créent réellement du droit, et, qui plus est,du droit rétroactif, dissimulent cette création en affirmant qu’ilsse bornent, par l’interprétation, à découvrir la volonté cachée dulégislateur ou les principes fondamentaux qui existent à leurs dé-cisions. C’est ce discours pas seulement les droits que Dworkinprend au sérieux.
Mais si c’est lui et non pas les prétendues pratiques
d’application qu’il entend justifier, il ne pourrait le faire en sebornant à nier l’existence et l’emploi d’un pouvoir discrétionnaire. Cela aurait été une répétition et non une justification du discoursdu juge. C’est qu’il a été conduit à cette ingénieuse construction :le discours par lequel le juge justifie son action (au regard de lathéorie démocratique, du droit naturel, de la morale etc.) est lui-même justifié au regard de la métathéorie. L’idéologie ne se cachepas seulement dans les théories. Dworkin n’en montre une que
1973, « Some Struc_turalProperties of Legal Deci-
Preexisting Rights and Fair-ness », Georgia Law Review,
dicial Legislation », Ameri-can Philosophical Quarterly,
1977, « Dworkin on the Na-ture and Consequences of
Harvard Law Review, 91,909-59. H.L.A. Hart, P.M.S. Hacker, J. Raz
1973, il est membre de la BritishMonopolis Commission et de
droit, Bruxelles, Facultés Univer-
– Il concepto di sistema juridico,
titre Practical Reasoning, Oxford,1978.
What’s new in Hydrocephalus? March to July 2012! For this letter we conducted a PubMed literature search on “hydrocephalus” and noted that the total number of publications was 25 001. The number for the period of March to July 2012 was approximately 225. As stated before we have no ambition to be comprehensive or to make a critical review of what is published, the goal is to illust
NeLM news service DOH “Quality, Innovation, Productivity and Prevention (QIPP)” 2010/11 report on medicines management Source: Department of Health (DH) Date published: 28/07/2010 16:02 Summary by: Sheetal Ladva In response to the challenges of the current economic climate within the NHS, the Department of Health’s has focussed on identifying areas where it can simultane